EXTRAITS DES DEBATS DE LA SEANCE DU 22/11/1999

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(Voir délibération)

 

99-4544 - Attribution d'une subvention de fonctionnement de 4.000 F à l'Association Mouvement du Nid au titre des actions programmées dans le cadre du Conseil Lyonnais de Prévention de la Délinquance (Direction de l'Action Sociale - Direction) (BMO du 14/11/1999, p. 1896)

M. GIGNOUX Bruno, rapporteur : Je voudrais simplement à cette occasion faire un rapide point sur le problème de la prostitution et des actions que met en place la Ville, dans le cadre du Conseil Lyonnais de Prévention de la Délinquance.

La Ville a un rôle, essentiellement de prévention et d'information, dans le domaine de la santé et par ailleurs aussi un rôle d'interface entre les habitants qui sont représentés par les Maires d'arrondissements, les services de l'Etat et les Associations.

Face au développement de nouveaux phénomènes, aux nouvelles pratiques et aux nouveaux lieux d'activité, en lien avec les associations, les services et les arrondissements concernés, un Groupe de travail a été mis en place et s'est déjà réuni ce matin-même.

Il a plusieurs objectifs :

- avoir une connaissance régulière de l'évolution des phénomènes de prostitution sur la Ville,

- mettre en cohérence les différentes interventions,

- et surtout aider les associations à proposer de nouvelles formes d'intervention dans le domaine du soin et de la réinsertion, en privilégiant l'écoute et le dialogue avec les personnes prostituées.

Avis favorable de la Commission.

Mme ROURE Martine : Une intervention pour appuyer l'Association du Nid. Pourquoi ? Mes chers Collègues, tout simplement, pour attirer l'attention de cette Assemblée sur le drame de la prostitution. Les victimes, ces femmes, ces jeunes hommes, ces enfants, qui n'ont jamais eu de vrais choix, mais qui ont été happés par le milieu de la prostitution par le malheur ou la misère, ont, grâce à des associations comme le Nid, de vrais interlocuteurs qui leur permettent de tenir le coup ou de s'en sortir.

Un responsable de cette Association me disait récemment "je n'ai jamais connu de personne prostituée heureuse de la vie qu'elle menait, aucune ne m'a dit que c'était un choix".

Nombre de personnes prostituées viennent des pays tiers, victimes de la traite des êtres humains.

Notre priorité doit être aide et assistance à ces victimes.

Nous devons lutter contre tous les chaînons d'une filière : recrutement, transport, exploitation, intermédiaires, clients.

Aujourd'hui, par cette subvention, nous participons, même si pour le moment notre aide est modeste, à l'aide aux victimes en vue de rétablir leur dignité et leur intégrité.

De nouvelles initiatives ont été prises et des réalisations importantes ont eu lieu au plan européen. Il convient ici de citer le programme STOP qui vise à développer la formation et la coopération des personnes et organisations qui, à titre professionnel, luttent contre la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants ; mais le nombre de victimes de la prostitution ne cesse de croître et les mineurs sont de plus en plus concernés.

Dans nos différents pays européens, nous n'avons pas de législation efficace en matière de traite des êtres humains en vue de prostitution. Là où cette législation existe, elle n'est pas appliquée ou très mal, souvent elle n'est pas du tout adaptée et la violence à l'égard des victimes et entre bandes rivales ne cesse de croître.

Les associations peuvent nous citer de nombreux exemples d'exploitation de femmes et d'enfants traités comme des marchandises, de mineurs généralement originaires d'Europe orientale "mis au travail" dans la prostitution ou dans d'autres formes de travail clandestin, de jeunes femmes prostituées après avoir été recrutées par les maffias d'Europe orientale. Il est extrêmement ambitieux de s'attaquer à la traite des femmes. C'est, en effet, un domaine d'action très fructueux pour le crime organisé. Une prise de conscience au niveau européen est en train de se produire, elle est le point de départ à la prise d'initiatives politiques et à la définition d'un cadre dans lequel les initiatives déjà prises peuvent et doivent se développer.

Les trafiquants d'êtres humains profitent de la situation fragile des femmes sur les plans économique et social. En outre, les victimes potentielles se font dresser une image idyllique de l'Occident opulent, elles sont attirées par des offres d'emploi en qualité de danseuses, serveuses, hôtesses de bar ou coiffeuses. Outre les femmes elles-mêmes, toute la famille fait l'objet de promesses fallacieuses, certains vont jusqu'à faire des promesses de mariage. Même quand elles sont directement recrutées pour des bars et discothèques, elles ne savent pas dans quelles conditions misérables, elles seront mises au travail.

Plus de la moitié des victimes ont moins de 25 ans Quelque 10 % sont mineures. Au moment de leur arrivée, la plupart des victimes se trouvent dans une situation administrative extrêmement vulnérable. Plus de la moitié d'entre elles sont en séjour illégal, la plupart des autres ont un visa touristique ou une autorisation de séjour de courte durée, sont considérées comme demandeurs d'asile ou ont été sommées de quitter le territoire. Nombre d'entre elles ont un statut incertain.

Actuellement, l'amélioration de l'aide aux victimes constitue une meilleure base de lutte contre la traite des êtres humains et, c'est pourquoi, les associations telles "Le Nid" ont une importance primordiale pour nous. Objets de violences, de menaces, de mauvais traitements, de séquestration, les victimes doivent régler des dettes importantes pour couvrir le coût de leur voyage et de documents d'identité aléatoires. En séjour clandestin et privées de leur argent et de leurs documents d'identité, elles n'ont aucune perspective d'amélioration de leur situation. Quand elles s'opposent à la pression des trafiquants et souteneurs, elles sont menacées de voir leur famille informée de leurs activités de prostitution. La puissance des trafiquants augmente à mesure que l'organisation criminelle contrôle plusieurs éléments du réseau auquel la victime est soumise. La situation sans issue de ces victimes et la nature du milieu dans lequel elles "travaillent" les font souvent sombrer dans la toxicomanie.

Si j'ai axé mon propos essentiellement sur la traite des êtres humains venus de pays tiers, c'est pour attirer l'attention des élus et de l'opinion publique sur l'horreur vécue par ces victimes. Mais j'insiste aujourd'hui avec force, les personnes prostituées d'où qu'elles viennent sont des victimes et non des délinquantes. Elles ont droit à notre respect et à notre aide.

M. GIGNOUX Bruno, Adjoint : Je suis d'accord avec ce que vient de dire Mme Roure. La réunion de ce matin comprenait le Procureur de la République, le patron de la Brigade des Moeurs, le patron de la Police ainsi que trois associations. Le problème c'est que nous avons très peu de moyens de lutte contre la prostitution puisqu'elle est autorisée et que le racolage n'est passible que d'une contravention de classe 5. Nous ne pouvons donc agir qu'en essayant de faire l'interface entre les services de police et de justice qui sont tout à fait décidés à continuer une action dans ce sens avec les associations telles que l'Amicale du Nid et le Mouvement du Nid, Cabiria et Rupture.

Mme ROURE Martine : C'est bien pour cela, Monsieur Gignoux, mes chers Collègues, qu'au niveau européen on va faire des propositions de nouvelles législations pour tous les états membres.

M. LE PRESIDENT : Merci, à travers ce rapport, d'avoir attiré notre attention sur cette situation, en effet, inacceptable, de personnes victimes avant tout et sur la nécessité, à travers des associations comme celles que, modestement, nous allons aider par cette subvention, de leur porter assistance. C'est comme cela et non par la "répression", que l'on peut raisonnablement améliorer la situation.

Je mets aux voix les conclusions de ce rapport. Il n'y a pas d'observation ? Elles sont adoptées.